27/02/2024
Portrait de Kim-Andrée Potvin
Journal Le Temps - Aline Bassin - Article du jeudi 22 février 2024.
Sous le signe de la fortune
Après un riche parcours dans la finance internationale, la Québécoise a rejoint la banque Bonhôte, dont elle gère les opérations. Dans son dicastère figurent la gestion des risques et la finance durable, à laquelle elle voue une véritable passion.
«Si on veut lutter contre le changement climatique, il faut que la finance durable quitte le registre de la niche».
Plutôt Genève ou Neuchâtel? Kim Potvin ne le dira pas trop haut, histoire de ne pas heurter son cercle d’amis du bout du Léman. Mais après une dizaine d’années passées dans la Cité de Calvin, elle a tranché, succombant vite au charme de celle qui fut aussi la ville d’adoption de l’écrivain Friedrich Dürrenmatt.
En prenant place avec elle dans une salle de conférences de la banque Bonhôte, son nouvel employeur, on la comprend aisément. Fondé en 1815, l’établissement est installé dans un majestueux bâtiment autrefois occupé par la Banque nationale suisse. Derrière les fenêtres élancées qui illuminent la paroi sud de la pièce se dessine un paysage idyllique. Presque à portée de main, le lac de Neuchâtel se dévoile sous ses meilleurs atours, faire-valoir de luxe des sommets alpins qui se dressent en arrière-plan.
Une rapide ascension
Même s’il a servi de cadre à son engagement, ce n’est pas ce décor qui a convaincu la banquière. Après sept heures de discussions avec les membres de sa direction, cette Québécoise «pure laine» – née de parents issus de la Belle Province – s’est simplement dit: «C’est là que je veux travailler», séduite par les valeurs et la vision de cette entreprise de 110 personnes, active dans la gestion de fortune et d’actifs.
Depuis janvier, Kim-Andrée Potvin en dirige les opérations, mettant à profit son expérience dans le domaine financier, elle qui a notamment travaillé durant dix-sept ans chez BNP Paribas. Mais avant cela, il y a évidemment eu l’exil. Ou plutôt l’envol. Volontaire, le départ a été soigneusement planifié puisqu’à l’âge de 12 ans déjà, elle affirmait qu’elle vivrait à l’étranger et ferait le tour du monde. «Cela me paraissait naturel et je pensais que tous les enfants avaient le même rêve que moi», se souvient-elle.
Pour concrétiser son obsession, cette première de classe qui ne se prend pas la tête choisit quelques années plus tard d’étudier la finance et le commerce international à McGill, l’université anglophone de la ville de Montréal où elle a grandi.
Un MBA en poche, âgée de 23 ans, la voici prête à décoller. Destination Paris, où elle décroche à la fin du siècle dernier un emploi chez Andersen Consulting, une société qui lui permettra de réaliser ses aspirations de voyage. Sa fonction d’auditrice la mènera aux quatre coins de la planète et lui ouvrira les portes de la banque BNP Paribas en 2001. Dans la Ville Lumière, puis à Luxembourg, elle grimpe rapidement les échelons de la banque pour passer de l’audit à la gestion des opérations, se découvrant taillée sur mesure pour cette fonction clé d’une entreprise. En 2014, elle rejoint l’entité de Genève. Son premier jour de travail est aussi celui de l’annonce d’une amende de 9 milliards de francs pour la banque française. Si l’événement marque les esprits, il ne l’affecte pas outre mesure. Après avoir dirigé jusqu’à 700 personnes, elle quittera le groupe bancaire en 2018, deux ans avant qu’il ne restructure drastiquement son site romand.
Si la Canadienne passe une bonne partie de sa vie dans les avions, ce n’est pas seulement pour auditer des entreprises ou rencontrer ses équipes. Depuis toute jeune, elle voue une passion à la nature et aux animaux, qu’elle part découvrir dans leur environnement: des baleines à bosse du détroit de Magellan aux ours polaires du Spitzberg, en Norvège.
En 2018, la quadragénaire découvre l’investissement à impact et rejoint l’antenne genevoise d’une société d’investissement active dans ce créneau. Elle s’engage aussi sur une base volontaire pour une ONG américaine et passe ses vacances au Kenya, planchant sur un projet pour aider la population à s’affranchir de l’aide internationale en développant l’écotourisme. Elle préside aujourd’hui l’Institut Mawazo, qui encourage les carrières des femmes africaines.
A l’évocation de ces activités, son regard brun se fait encore plus intense. Un signe caractéristique de la passion qu’elle a décelée lorsqu’elle a commencé à diriger des équipes de grande taille: «J’ai découvert que, même chez les personnes les plus discrètes, la passion fait pétiller les yeux. C’est le sentiment que j’ai toujours essayé de susciter auprès de mes collaborateurs pour qu’ils trouvent du plaisir et de la motivation dans l’exercice de leur travail.».
Associer durabilité et rentabilité
Dans son cahier des charges de responsable des opérations de la banque Bonhôte figure aussi la finance durable. Elle entend la développer au sein de l’entreprise certifiée BCorp (un label international de durabilité), et dont trois des 11 fonds d’investissement sont immatriculés ESG – du nom des critères de développement durable. Kim-Andrée Potvin sait à quel point le sujet est galvaudé par les entreprises, mais aussi durement contesté sur le fond, notamment aux Etats-Unis. Elle n’en a cure, bien décidée à faire rimer durabilité et rentabilité.
«Il y a vingt ans, dans le secteur financier, on a commencé à parler de «compliance» et on ne savait pas vraiment de quoi il s’agissait. Pareil pour la numérisation il y a une dizaine d’années. La finance durable n’en est qu’à ses débuts et va encore beaucoup évoluer. Mais si on veut lutter contre le changement climatique, il faut qu’elle quitte le registre de la niche pour se généraliser.».
Profil
- 1975: Naissance à Montréal au Canada.
- 1997: Bachelor en finance et commerce international, Université McGill.
- 2001: Débuts chez BNP Paribas en tant qu’auditrice.
- 2018: Première mission de volontaire au Kenya avec l’ONG Conservation International.
- 2024: Entrée en fonction à la banque Bonhôte comme directrice des opérations.