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25/02/2024

Achat d’un immeuble en viager : l’incertitude est-elle source d’opportunités ?

Très populaire en France, la vente immobilière en viager est encore peu utilisée en Suisse. Sa méconnaissance et l’incertitude qui la caractérise sont souvent des éléments entraînant la réticence des parties. Serait-elle néanmoins source d’opportunités dans un marché immobilier aux prix parfois inabordables et dont le financement est difficile ?

La vente immobilière en viager n’est pas prévue en tant que telle dans la législation suisse. Elle combine en effet trois institutions juridiques, soit la vente immobilière (art. 216ss CO), la rente viagère (art. 516ss CO) et souvent un droit d’usage. Le Tribunal Fédéral l’a ainsi qualifiée de « contrat complexe » dont les composants sont indissociables.

Le contrat est conclu entre le crédirentier (le vendeur) et le débirentier (l’acheteur). Les parties se mettent d’accord sur un prix initial à payer à la conclusion du contrat, le « bouquet », correspondant a minima au montant de l’éventuelle dette hypothécaire sur l’immeuble. En sus du bouquet, le montant de la rente viagère ainsi qu’un droit d’usage (en cas de viager occupé) doivent être déterminés, selon les besoins financiers, l’âge et l’état de santé du vendeur.

La propriété foncière est transférée à l’acheteur dès le début du contrat, entraînant la perception de l’impôt sur le gain immobilier (auprès du vendeur) et des droits de mutation (dans la plupart des cantons à charge de l’acheteur) par le canton de situation de l’immeuble. La base imposable comprend le bouquet ainsi que la rente et le droit d’usage, capitalisés selon la méthode de l’autorité fiscale cantonale, dont la valeur varie en fonction de l’âge du crédirentier.

Durant le viager, le débirentier verse la rente convenue au crédirentier. Les règles d’imposition de la rente viagère en vigueur jusqu’à fin 2024 prévoient l’imposition de 40% de cette dernière chez le crédirentier, respectivement la déduction de 40% du montant versé par le débirentier. Dès 2025, la législation va être modifiée et l’imposition se fera selon de nouveaux critères, un montant entre 12 et 14% de la rente étant plutôt à considérer. Ceci pourrait augmenter l’attrait pour les vendeurs dont la rente sera peu fiscalisée.

Outre la rente, le crédirentier bénéficie d’un droit d’usage (un usufruit ou un droit d’habitation en principe gratuit) lui permettant de demeurer dans l’immeuble vendu. Selon le droit d’usage choisi, l’imposition de l’immeuble peut varier. En effet, si l’usufruitier est en principe considéré fiscalement d’une manière identique à un propriétaire, le bénéficiaire du droit d’habitation à titre gratuit peut n’être imposé que sur la valeur locative et non sur la fortune selon les cantons. L’imposition des parties devrait dans tous les cas être analysée avant la conclusion du contrat.

La valeur capitalisée du droit d’usage et de la rente viagère n’est pas imposable en fortune dès lors qu’elle ne revêt pas la caractéristique d’une assurance susceptible de rachat.

Le viager prend fin au moment du décès du crédirentier. La pleine propriété de l’immeuble revient à l’acheteur, le droit d’usage s’éteignant selon la loi. Aucun impôt n’est dû. Si le décès du crédirentier est la situation la plus courante, il arrive parfois que le débirentier décède avant lui (rappelez-vous Jeanne Calment !). Dans cette situation, le viager ne s’éteint pas. Les héritiers du débirentier deviennent propriétaires de l’immeuble et selon leur relation avec le défunt l’impôt de succession peut être dû. Dans certains cantons, les droits de mutation sont également perçus. Le paiement de la rente viagère demeure quant à elle à charge des héritiers jusqu’au décès du crédirentier.

Malgré l’incertitude qui demeure sur le prix de vente final, dépendant de la longévité du vendeur, l’achat en viager pourrait toutefois permettre à un public plus large d’acquérir un immeuble dans le marché actuel. En effet, seul le bouquet doit être réglé au début du contrat et le montant des fonds propres nécessaires est ainsi réduit. En outre, le vendeur qui consent à être payé sur plusieurs années permet de réduire le financement externe. En période d’intérêts hypothécaires élevés, ceci peut également être un avantage. On ne peut cependant pas faire l’impasse sur l’analyse fine de la capacité financière à long terme du débirentier à s’acquitter de la rente. En conclusion, toute opportunité comporte des risques qu’il s’agit de jauger en fonction de chaque situation particulière.

Mélanie Erb-Zimet

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